Les chemins de la mémoire
Le 17 octobre à 14h (séance scolaire) et 18h45
Synopsis
Espagne, 1975 : mort du dictateur Franco, au terme de 40 ans d’un régime répressif qui a fait des centaines de milliers de victimes – orphelins, prisonniers, exilés, déportés, torturés.
Aujourd’hui, plus de 30 ans après, l’Espagne commence à lever le voile sur cette période, et à rendre justice aux victimes du franquisme.
Pour la première fois, un film rend compte de ce processus de reconnaissance et de deuil, qui devrait permettre à l’Espagne de vivre en paix avec son terrible passé.
Le réalisateur : José Luis Penafuerte
Né à Bruxelles en 1973, de nationalité belge et espagnole, José-Luis Peñafuerte a passé son enfance à Bruxelles. En 1984, il suit ses parents exilés qui retournent en Espagne, leur terre natale. Il passera 6 ans à Gijon (Asturies) et à Cordoue (Andalousie), avant de regagner la Belgique. Il collabore étroitement à la création du premier festival de cinéma hispanique à Bruxelles. En 1993, il entre à l’IAD (école belge de cinéma), en section réalisation cinéma et documentaire. Son mémoire de fin d’études traite de l’évolution politique et artistique de l’industrie cinématographique espagnole. En 2001, le réalisateur présente son premier documentaire de création, NIÑOS, qui retrace l’exil des orphelins de la guerre civile espagnole. Le film sera sélectionné dans divers festivals internationaux et diffusé par plusieurs télévisions européennes. Son deuxième film, AGUAVIVA, s’intéresse à la question de l’immigration, à travers le cas d’un petit village espagnol vieillissant et déserté qui fait appel à des étrangers pour se repeupler et revivre. En 2007, le Ministère espagnol de la Culture lui confie la captation des témoignages filmés des derniers exilés politiques espagnols vivant en Belgique. L’année suivante, il fonde le collectif Les Sentiers de la Mémoire qui a pour but de préserver et de promouvoir la mémoire de l’exil espagnol en Belgique. Avec LES CHEMINS DE LA MEMOIRE, José-Luis Peñafuerte continue à interroger le passé et le présent de l’Espagne, et à créer un pont entre ses deux cultures d’origine. Ses projets futurs, entre la Belgique et l’Espagne, tant en documentaire qu’en fiction, s’articulent également autour de cette double identité.
Note du réalisateur
Je suis né à Bruxelles, cependant mes origines sont espagnoles, tout comme une grande part de mon éducation. Au fil du temps, je me suis forgé une identité qui s’est enrichie de ces deux cultures et de leurs différences, cherchant un équilibre à travers un questionnement identitaire perpétuel.
Dans mon premier documentaire, Niños (2001), la mémoire et la transmission avaient déjà une place prédominante dans les récits tragiques et oubliés des enfants exilés de la Guerre Civile espagnole. En cours de réalisation de ce premier film, le suivant se dessinait tout naturellement, cette fois autour du présent, et principalement dans notre rapport à l’Autre. Aguaviva (2005) était pour moi le prolongement logique de mon questionnement, et avant tout, de ma responsabilité de mémoire de fils d’exilés espagnols. L’initiative du village aragonais d’Aguaviva offrait, et offre toujours, un beau contrepoint à la normalisation ambiante.
Il y a maintenant près de dix ans que ce processus de continuité et de quête personnelle s’est enclenché. Aujourd’hui ce cheminement m’a mené vers l’observation intime de la récupération de la Mémoire Historique des victimes de la Guerre Civile espagnole et de la dictature du Général Franco. Un phénomène historique et psychologique que tous les démocrates d’Espagne, et d’ailleurs, attendaient depuis plus de 25 ans.
Ce nouveau projet de film a surgi un matin de janvier 2006, lors d’une visite à Emilia Labajos, Présidente de l’Association des Enfants de la Guerre d’Espagne en Belgique, et protagoniste de mon film Niños. J’accompagnais Rogelio Blanco, directeur général du Livre, des Archives, et des Bibliothèques d’Espagne, qui désirait rencontrer Emilia avant qu’il ne soit trop tard… Nous venions d’apprendre le décès d’une des personnalités les plus marquantes de l’exil des enfants républicains espagnols en Belgique, Miguel Arteaga. En silence, nous étions tous frappés par la coïncidence et l’urgence du moment, par la fragilité dans laquelle nous nous trouvions, et dans laquelle pouvait se retrouver ce délicat processus de récupération de la Mémoire des “vaincus”. Un vrai combat contre le temps et l’oubli allait commencer. Pour les exilés espagnols de Belgique, le constat était clair : il fallait faire vite. La mémoire devait se mettre rapidement en place, afin d’éclairer une dernière fois les visages marqués par le temps de ces hommes et de ces femmes qui avaient gardé, inscrites dans leur chair, les marques de leurs combats pour la liberté. C’est à cet instant que le film est né, dans l’urgence de conserver la fragile trace de ces témoignages précieux pour l’avenir de nos valeurs démocratiques. Dans le but aussi de rendre justice à ces combattants de la libre pensée, enlevés et assassinés par le fascisme espagnol, encore vivant. Et enfin, pour essayer de comprendre l’incompréhensible chez l’être humain…
Dès le début, je savais que Les chemins de la mémoire ne serait pas exclusivement un film historique. Je voulais qu’il soit un véritable voyage cinématographique, un voyage où il est question avant tout de faire œuvre de mémoire universelle contre l’oubli. Un film qui nous plonge sans concession dans les fractures et les blessures encore visibles de cette société espagnole qui tente à présent de casser les verrous du silence. Un film pour combattre l’amnésie collective sur ces années de honte. Un film qui interroge les soubresauts, les complexités et les enjeux de la société espagnole d’hier, d’aujourd’hui et de demain sur ces racines du mal, au cœur de l’Europe du XXIème siècle. Un film qui tente de comprendre ce qui a motivé l’homme à anéantir son semblable, son miroir…
Dès le début de cette aventure, je savais que je voulais réaliser un film où le spectateur voyagerait métaphoriquement à travers le temps, à travers la géographie humaine et physique de l’Espagne, de ses territoires marqués encore par la douleur et le silence, stigmates de ces années d’horreur qui ont fait plus de morts pour des raisons de conscience ou d’opinion, que pour des faits de guerre. Un film qui s’interrogerait sur la mécanique d’intolérance qui a permis que des hommes et des femmes soient enlevés pour être assassinés froidement, simplement parce qu’ils pensaient autrement. Un film qui interroge toute une société qui hésite à déterrer les plus de 130.000 morts encore éparpillés dans des fosses aux quatre coins du territoire espagnol.
Je n’ai pas voulu ce film comme un réquisitoire ni une reconstitution des faits, mais comme une restitution de la Mémoire d’un peuple qui se débat entre le besoin de savoir et la faculté de nier.
Car dans cette démarche cinématographique qui a duré près de deux ans, il s’agissait également de donner à voir une lecture dépoussiérée et plus juste de ce que furent ces années sombres de l’Histoire européenne. Avec Les chemins de la mémoire, je veux faire connaître au public la vérité occultée sur la répression franquiste et sur ses crimes contre l’Humanité, vite étouffés par le besoin pressant de démocratie de tout un peuple.
Descendant moi-même d’exilés espagnols, mon film ne peut être que militant. Un film conçu comme un dispositif d’alerte, pour les générations d’aujourd’hui et de demain, “contre toutes les nuits et tous les brouillards qui tombent (ou qui essayeront encore de tomber) sur une terre qui naquit pourtant dans le soleil, et pour la paix.” (Jean Cayrol & Alain Resnais, Nuit et Brouillard).
Le dossier de presse intégral avec les repères historiques nécessaires à la compréhension du film en téléchargement sur ce lien