Parlez-nous d’abord de vous et de votre parcours d’actrice
Pendant une forte pluie, en compagnie d’une amie, je me suis abritée à la cinémathèque de Porto-Vecchio (Corse) où se déroulait le casting des Apaches. C’est là où je me suis faite repérer par Yannick CASANOVA, l’assistant de la directrice de casting Youna DE PERETTI.
Je n’avais que 15 ans quand j’ai rejoint le film de Thierry DE PERETTI qui sera présenté par la suite au Festival de Cannes, à la Quinzaine des réalisateurs.
J’ai alors quitté la Corse pour rejoindre « l’École du Jeu », école d’art dramatique dirigée par Delphine ELLIET. En poursuivant mon cursus, j’ai pu approcher un agent avec l’aide de Thierry D.P, c’est comme ça que je me suis retrouvée sur Géronimo de Tony GATLIF.
Vous signez pour la deuxième fois un contrat avec le réalisateur Tony Gatlif, après « Géronimo ». Pour une comédienne, travailler avec un tel cinéaste demande de faire tomber des barrières, notamment la pudeur. Est-ce compliqué ?
Sur le tournage de Géronimo je n’ai jamais ressenti le besoin de m’abriter derrière une quelconque pudeur, j’étais vraiment à l’aise. Nous n’avions pas de scénario, je faisais totalement confiance à Tony et à ses instructions.
Il existe des énergies grâce auxquelles nous pouvons travailler sans prêter attention aux regards des gens, ni même à son propre regard. Ces énergies vous inspirent confiance. Celle de Tony en fait partie.
Pour Djam c’est un peu différent car j’avais beaucoup changé depuis le tournage de Géronimo et je voulais que Tony G. apprécie tout autant mon investissement dans le rôle d’Avril. Pourtant mon approche de ce personnage-là était très différente de celle que j’avais eue pour le personnage de Soda que j’incarnais dans Géronimo.
Avril se dissimule derrière une certaine pudeur, qu’elle arrive à surmonter après la rencontre de Djam, qui par comparaison est une jeune femme débordante d’énergie, envahissante.
Finalement la question de la pudeur se pose plus pour le spectateur que l’interprète. Il est essentiel que le spectateur puisse être amené à se poser des questions sur le désir, l’envie, le fantasme de la femme, la nudité, la sensualité, et bien d’autre.
Tony est un réalisateur rare, qui sait instaurer une ambiance très particulière sur ses tournages. La musique était toujours présente sur le plateau. Elle vous libère, elle vous transporte et vous oubliez toutes vos barrières.
DJAM est un film réaliste, initiatique à la musique du Rébétiko, il se regarde avec émotion et joie. Votre personnage, Avril accompagne Djam dans son errance. Avril une jeune Française partie en Turquie pour apporter son concours à l’aide aux migrants se retrouve sans argent et complètement perdue dans une quête qu’elle ne s’explique pas. Votre rôle incarne le désarroi de la jeunesse de notre pays. Comment avez vous vécu cette expérience?
J’ai habité près de la Porte de la Chapelle, j’y ai vu les campements établis par les réfugiés. Au bout d’un moment, il m’a semblé nécessaire de rejoindre des associations pour pouvoir aider, à mon niveau. Ces dernières années, nous assistons à un flux migratoire très important, et je crois qu’on a tous ce sentiment, ce réflexe de vouloir venir en aide aux plus démunis. Il y avait donc une certaine logique à incarner Avril à ce moment-là de ma vie.
Avril, à sa manière, est elle aussi en exil. Elle est à l’image de ces nombreuses personnes qui parlent beaucoup mais n’agissent pas concrètement. Elle part à l’étranger avec l’idée, dit-elle, “d’aider les gens dans un centre de santé volontaire”. Mais en fait elle ne sait pas ce qu’est la réalité sur place. Elle n’en a pas une vraie conscience. La perte de ses papiers la plonge directement et brutalement dans cette réalité qu’elle ne faisait qu’effleurer jusqu’alors. Devenue elle aussi “sans identité”, elle doit à son tour demander de l’aide à Djam.
Avec Daphné PATAKIA, nous avons pris la même route que celle qu’empruntent les réfugiés. Nous sommes allés à la rencontre des habitants qui les côtoient quotidiennement et qui n’hésitent pas à vous apporter leur optimisme et leur espoir. Nous avons vu la pauvreté, la détresse, encore plus que je ne l’avais imaginé. Malgré le manque d’argent évident, l’accueil était toujours très chaleureux. Le contraste est brutal.
On a beau voir des images choquantes sur les écrans de nos téléphones, la réalité est toujours plus crue, plus dure. Dans ce cas plus encore que dans d’autres, on ne peut pas savoir avant d’avoir fréquenté ces personnes.
Des projets pour le futur?
J’ai tourné récemment La Vie sur Mars, le prochain court-métrage de Marie-Léa REGALES avec qui j’avais travaillé auparavant sur Les Sirènes
J’accorde également du temps à l’écriture de mon premier court métrage, j’espère pouvoir le réaliser rapidement.
Cette année Cinéalma accorde une attention particulière à la femme méditerranéenne. Qu’elle est la place de la femme dans « DJAM » et que représente-elle pour vous?
Merci pour l’attention que vous portez à la femme méditerranéenne !
Étant Corse, j’ai une joie totale et un plaisir réel à voir Djam dans sa liberté, entraînant Avril dans son élan.
Dans le film de Tony, la femme méditerranéenne est présentée sous plusieurs facettes. Djam est libre, elle est belle, c’est une femme intelligente et indépendante, à l’aise avec son corps, elle est débrouillarde. Comme disait Tony : “Quand on te voit danser à l’écran on ne veux pas te sauter dessus, on veux juste te rejoindre et faire la fête avec toi”. Je la vois comme une femme révolutionnaire du XXIe siècle.
Le personnage d’Avril est plus mystérieux. À travers son périple on la découvre de plus en plus en tension, soumise à des événements qui la dépassent. Râleuse et ronchon, elle est souvent spectatrice comme nous Occidentaux des malheurs auxquelles nous assistons toujours de loin.