Entretien avec Azlarabe Alaoui Lamharzi réalisateur de “Kilikis, la cité des hiboux”

Interview  Azlarabe Alaoui Lamharzi « Kilikis, la cité des hiboux »

Azlarabe ALAOUI est scénariste, producteur et réalisateur marocain. Il est titulaire d’un doctorat en écriture visuelle et lauréat de l’école du cinéma et de la télévision – Canada. Il est professeur de réalisation de films dans de nombreuses institutions universitaires et président du Centre d’études et de recherches cinématographiques au cinéma au Maroc. Il est également le réalisateur de deux longs métrages «Androman..Blood and Coal» 2012 et «Kilikis .. La cité des hiboux» 2018 ainsi que plusieurs oeuvres tels que «Rendez-vous à Volubilis», «L’île d’un certain jour», «Bidouza», «Izourane» “ l’aveugle et la gitane “.. Il a produit  et réalisé plus de 50  documentaires depuis 1998, dont plus de 20 documentaires pour la chaîne Aljazeera Documentary et beaucoup d’autres téléfilms et documentaires pour le public marocain. Ses films ont remporté de nombreux prix nationaux et internationaux. Il a écrit divers articles critiques et produit en 2017 un livre intitulé “Approche critique du discours visuel au Maroc”. Il propose également de nombreux ateliers professionnels sur la réalisation de films et la réalisation de documentaires au Maroc et à l’étranger.

Son dernier long-métrage « Kilikis, La Cité des Hiboux » grâce auquel il a été primé  “meilleur réalisateur”  lors de la 11e édition du Festival international du film arabe d’Oran sera diffusé dans le cadre du Festival Cinéalma 2018. 

A cette occasion il nous a accordé cet entretien exclusif.

Votre nouveau long-métrage «Kilikis, la cité des hiboux» a suscité une polémique avant sa sortie dans les salles, notamment par les anciens détenus du camp de Tazmamart qui ont déploré l’importance des scènes liées aux gardiens de la prison au détriment des détenus. Quel commentaire en faites-vous?

Le film a plutôt été vivement critiqué par les anciens détenus du camp de Tazmamart. Cependant, ces critiques ont notamment porté sur la consécration d’un nombre important de scènes aux gardiens de la prison au détriment des détenus. Ces reproches sont, à mon sens, des points de vue qui ne m’engagent pas parce que mon œuvre ne documente pas ces faits. Le film a sa propre vision basée sur une conception. Il était question, pour moi, de donner de la valeur aux personnes omises et de créer un rapport entre le récit et le tréfonds du spectateur à travers la présence psychologique de ces personnes omises. Le but ultime étant de refléter le drame des gardiens dans la persévérance des détenus. Preuve en est la forte présence symbolique de ces détenus sans en voir le visage. C’est une certaine sacralité donnée aux personnages qui n’apparaissent pas. Chose qu’on fait aux symboles des religions. Hélas, ce traitement sémiologique n’a pas été apprécié par certains. Par contre, d’autres critiques intelligents ont fait attention à cette conception avancée de l’intrigue. Ils s’en sont d’ailleurs félicités. Il est important que la critique accompagne les nouvelles évolutions créées par les artistes.

Est-ce que ces critiques vous ont-elles incité à modifier le contenu de certaines scènes au détriment même de la vision initiale de l’oeuvre, d’autant plus que certaines parties externes devaient financer le film ?

Je ne peux absolument pas apporter des modifications à une œuvre que je trouve homogène. Je ne peux pas entreprendre une telle démarche juste parce qu’une personne quelconque n’a pas apprécié l’approche du sujet. Il fallait plutôt que j’accepte d’introduire des modifications imposées par des parties qui étaient prêtes à financer l’œuvre. Cependant, je n’ai jamais obéi aux points de vue des autres. En tout cas, le milieu cinématographique est ouvert à tout le monde puisque toute personne, capable de faire le contraire de ce que j’ai fait, peut mettre la main à la pâte.  Les modifications ont notamment porté sur la bande-son tout en délaissant certains effets visuels qui n’ont pas, à mon sens, été de qualité. Une telle démarche n’a pas affecté le film qui est devenu plus fort. D’ailleurs, il a été fort apprécié à l’issue de sa projection lors de la compétition de la 19ème édition du festival de Tanger tenue en mars dernier. Cela m’a donné les larmes aux yeux. C’était pour moi un grand prix. D’ailleurs j’ai quitté la ville directement après la projection tout en portant en moi ces beaux moments. 

Ces reproches ne pourront nullement m’empêcher d’avancer afin de triompher pour le seul être humain. Telle est ma vision existentialiste qui me met à l’aise et que je fais valoir lors de la réalisation d’une fiction ou d’un documentaire.

Vous êtes connu au Maroc pour votre engagement et votre générosité dans le partage et la transmission du savoir en faveur des jeunes réalisateurs marocains. Est-ce lié à des obstacles rencontrés lors de votre début de carrière cinématographique ?

Je ne vous cache pas que j’ai vraiment souffert en début de ma carrière…

Je bougeais de film en film à la recherche d’une opportunité de stage mais en vain. C’était tellement difficile que je n’ai pu avoir une chance qu’après intervention du Directeur du Centre Cinématographiques, Mr. BENBARKA à l’époque surtout que la production marocaine réalisait à peine un ou deux films seulement. 

Maintenant que j’ai pu devenir réalisateur,  je me suis fixé l’objectif prioritaire d’aider les jeunes. Ainsi, je ne cesse de me déplacer partout dans le Royaume et même à l’étranger afin de donner des cours théoriques et pratiques aux jeunes et leur offrir aussi des opportunités de stage dans tous mes films. Par exemple, j’ai engagé 14 stagiaires avec l’équipe technique dans le film Killikiss et qui étaient sous ma supervision effective même pendant les tournages.

Le cinéma marocain est l’un des plus importants dans le monde arabe et en Afrique en termes de production et de participation aux festivals internationaux. Comment se porte le secteur au Maroc à votre sens ?

A mon avis,  le cinéma et le secteur artistique et un monde de partage oû on doit se serrer les coudes tous et travailler ensemble et pas chacun dans son coin.. C’est ma philosophie que j’essaye de transmettre à mes étudiants.

Oui, le Cinéma marocain à réalisé un succès particulier en terme de productions et en terme de présence dans les festivals cinématographiques internationaux. Il est à mon point de vue , un des leaders du cinéma africain et aussi un concurrent effectif et incontournable à l’internationale.      

Des projets à venir ?

Ils se limitent pour l’heure à la distribution du film et sa diffusion auprès du public et des festivals internationaux. Après quoi, je me pencherai doucement sur l’écriture de nouveaux textes. En fait, ce qui m’intéresse ce n’est pas de sortir un grand nombre de films mais de lancer une œuvre qui constituerait une virée dans mes conceptions et mes réalisations précédentes.

 

 

 

 

 

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