« Larmes de sable » raconte l’histoire des prisonniers civils de Tindouf, qui retrouvent leurs libertés après 30 ans de torture. Le mal est d’autant plus grand que leur ex-bourreau devient parlementaire défenseur des droits humains.
Peut-on qualifier votre œuvre de « devoir humain » dans le sens où le film vise à montrer au monde le calvaire et la souffrance endurés par ces « oubliés » des camps de la honte ?
Effectivement. Si j’ai choisi de parler ‘‘des camps de Tindouf’’, c’est parce que ça nous concerne tous, ça nous interpelle en tant que citoyens marocains et en tant que cinéastes. Nous ne pouvons plus continuer à passer sous silence cette tragédie. Sensibilisé, par un beau nombre de témoignages, de récits et de parcours de vie ces dernières années, il m’a semblé naturel de mettre ma caméra au service de cette « cause nationale » qu’est le Sahara marocain à travers les destins tragiques de ces marocains condamnés à des tortures et des humiliations près d’un quart de siècle… Bref, réduits à un état de survie, dont certains actuellement bien que libres physiquement sont encore des prisonniers dans leur mental.
La documentation des faits a-t-elle constitué pour vous un handicap majeur dans la mise en scène de ce long-métrage eu égard à la rareté des ouvrages écrits à ce sujet et donc peu de matière pour mieux fournir l’imaginaire ?
Il est vrai que les livres écrits sur cette période sont rares, une dizaine tout au plus.
Mais leur contenu est si dense et si dur à supporter que ce fût largement assez pour écrire ce film. D’autant plus, que j’ai interviewé pas mal de rescapés qui m’ont apporté des témoignages différents et émouvants.
Quand à mon imaginaire, il a été suffisamment sollicité par leurs témoignages qu’il a fallut souvent faire des choix.
« Larmes de sable » est un film bouleversant, dur, violent mais aussi souvent très émouvant. Quel message d’espoir peut-on en tirer?
Généralement c’est au spectateur d’en tirer les messages et non pas à moi de les lui indiquer. J’ai réalisé ce film comme une sorte de plaidoirie et d’hommage à tous ces prisonniers ou plutôt otages dont personne ne parle.
Dès qu’un enlèvement de civils occidentaux se produit, il suscite l’indignation de tous les médias, et l’évènement est vite récupéré pour diaboliser tel ou telle fraction terroriste. Par contre, lorsque les personnes enlevées sont issus de pays dits du « tiers monde », aucune info ou très peu comme s’ils avaient moins de valeur humaine que d’autres ailleurs. Pourtant 140 civils ont été enlevés par des hommes masqués et conduits en Algérie. Ils n’étaient ni des combattants, ni servant dans les Forces Armées Royales (FAR) marocaines. Leur seul tort était d’être des marocains.
Le cinéma marocain est l’un des plus importants dans le monde arabe et en Afrique en termes de production et de participation aux festivals internationaux. Comment se porte le secteur au Maroc à votre sens ?
Le cinéma marocain se porte mal, très mal même.
En réalité, notre cinéma se meurt et depuis déjà plusieurs années. Malheureusement peu de personnes veulent ouvrir leurs yeux et l’admettre.
Les professionnels tentent toujours de positiver en espérant des jours meilleurs mais la réalité amère est bien là. . La fermeture en continu des salles, le piratage, le manque de canaux publics comme les télévisions, les retards dans les paiements des subventions à la production et j’en passe, sont quelques uns des facteurs qui constituent un obstacle réel devant le développement du Cinéma Marocain.
Bref l’asphyxie totale.
Depuis 2012, le cinéma marocain agonise et en 2017 il entré dans le coma sous respiration artificielle.
Si l’état ne clarifie pas sa stratégie en la matière, le cinéma mourra dans peu de temps. Et aucune réanimation ne le sauvera…
Des projets à venir ?
Ce n’est pas les projets qui manquent. Le plus dur pour nous, c’est de trouver des coproducteurs qui peuvent nous accompagner dans notre démarche pour avoir une visibilité hors du Maroc dans un circuit de distribution normal.
Autrement, malgré tous nos efforts nos films mer franchissent pas la frontière à l’exception des festivals.