Détails sur : L’institutrice

L’institutrice
Le 18 octobre à 10h

 

Synopsis

Une institutrice décèle chez un enfant de 5 ans un don prodigieux pour la poésie. Subjuguée par ce petit garçon, elle décide de prendre soin de son talent, envers et contre tous.

 

                                                   Le réalisateur : Nadav Lapid

Nadav a étudié le cinéma à l’école « Sam Spiegel » à Jérusalem ainsi que la philosophie et l’histoire à l’Université de Tel-Aviv et la littérature à l’Université de Paris 8. Il a travaillé comme chef-opérateur sur plusieurs documentaires en Israël et publié un roman, Danse Encore, en janvier 2010 aux Éditions Actes Sud. Il a réalisé 3 courts-métrages, son premier long-métrage Le Policier a été développé à la Résidence de la Cinéfondation et a été présenté à L’Atelier de Cannes 2008. Sélectionné pour représenter Israël aux European Awards, il a obtenu le grand prix du jury au Festival del film Locarno 2011 et gagné plus de 15 prix dans les festivals internationaux parmi lesquels : Meilleur Film et Meilleur Réalisateur aux Bafici 2011 et Meilleur Film à San Francisco 2011. Il a été sélectionné dans une centaine de festivals internationaux tels que New York Film Festival 2011, London Film Festival 2011 etc.

FILMOGRAPHIE
Courts Métrages

2004 Mahmud works in the industry, docu-fiction (Cannes 2004 Cinéfondation)

2005 Road, fiction (Berlinale 2005, Ours d’Or au festival d’Avensy 2005)

2006 La Petite amie d’Émile, fiction (Cannes 2006 Cinéfondation)

Longs Métrages

2011 Le Policier, Grand Prix du jury au Festival del film Locarno

2014 L’Institutrice, Semaine de la Critique – Séance Spéciale

 

Propos du réalisateur (morceaux choisis)

L’Institutrice parle, entre autres, de la place des choses qui n’ont aucune utilité dans un monde où tout est question de gain, de perte ou de profit. La poésie ne fonctionne pas selon une logique économique. À l’opposé d’un roman, épais et lourd, elle n’est pas le fruit de mois de labeur, elle est capricieuse, s’écrit instantanément, se lit immédiatement et reste parfois indéchiffrable. Il est souvent difficile d’expliquer ce qu’est un poème, à quoi il sert et pourquoi il est si important qu’il existe. Souvent la poésie se trouve dans cette zone grise entre la vérité la plus profonde et l’imposture. Le mystère des poèmes de l’enfant et leur provenance s’opposent à la tentative de l’institutrice de trouver un ordre, une logique, de comprendre d’où viennent ses mots. La poésie, dont l’écriture est rapide et instantanée – on tourne la tête et les mots sont là – correspond donc à la conscience partielle d’un enfant, à sa vision naïve de son propre acte de poésie. L’enfant se perçoit-il comme un poète ? Est-ce qu’il comprend que les mots qu’il clame sont des poèmes ?

Entre l’âge de quatre ans et demi et sept ans, j’ai dû écrire une centaine de poèmes ou plus précisément, je les ai récités à ma nounou. Le premier, « Hagar », était un poème d’amour, un amour impossible, pour la sœur aînée d’un copain de maternelle. Le poème « Une séparation », cité à la fin du film, est l’un de mes derniers poèmes. À sept ans, j’ai arrêté d’écrire et je ne voulais plus entendre parler de poésie. Ce n’est qu’à la fin de mon service militaire que j’ai de nouveau écrit, mais jamais plus de poésie. Mes parents ont mis mes poèmes au placard et ils y sont restés pendant vingt-cinq ans, jusqu’à ce que j’envisage d’en faire la matière d’un film. L’Institutrice a donc une dimension autobiographique évidente. Et de la même manière que je suis l’enfant, je suis également l’institutrice. Cette angoisse et ce sentiment d’urgence qu’éprouve l’institutrice devant la marginalisation d’un certain art, d’une certaine sensibilité, sont ceux que j’éprouve moi-même parfois.

On a hésité à choisir un enfant plus âgé et plus expérimenté. Mais après avoir auditionné beaucoup d’enfants, notre choix s’est porté sur Avi Shnaidman, un enfant de cinq ans qui n’avait jamais joué. Avi a une gestuelle un peu hésitante, une manière particulière de « siffler » certaines syllabes et une compréhension instinctive et intime des situations du film. Il a cette hésitation et cette fragilité qui tendent à disparaître chez des enfants plus âgés. Je ne souhaitais pas diriger un enfant qui ait l’air hors norme mais quelqu’un qui soit à la fois un enfant comme les autres avec quelque chose en plus. Je voulais que les mots puissent surgir de lui de façon mystérieuse. Au moment de l’écriture du scénario et ensuite pendant le casting, j’ai senti que le processus de création des poèmes par l’enfant devait être plus instinctif. Ce processus devait s’opposer à la volonté de l’institutrice de déchiffrer l’indéchiffrable. On peut sans cesse se poser la question « d’où viennent les mots ? » et s’obstiner à y répondre, tout en sachant qu’aucune réponse tangible ne sera jamais donnée.  Ainsi, il fallait trouver un enfant qui ait la légitimité de poser la question mais aussi de refuser d’y répondre.

Je souhaitais construire des plans-séquences pour les scènes de groupe qui conduisent, parfois grâce à la mise en scène, ou grâce à un changement de profondeur de champ, à des plans plus intimes se focalisant sur le visage d’un individu, détaché de son entourage. Afin d’exprimer une tension entre l’individu et le groupe, l’enfant et l’adulte, la réalité matérielle et la conscience. J’ai également filmé en très gros plans, cela me permettait de briser la distance classique entre la caméra et les personnages. Ainsi ont été élaborés des plans « primitifs », brutaux, où l’on a l’impression que l’acteur « marche sur la caméra », se cogne à elle ou l’attaque. Je voulais que le spectateur ait le sentiment de tenter de pénétrer dans l’intériorité de l’acteur. Comme l’institutrice qui tente obstinément d’entrer dans la tête de l’enfant pour comprendre « d’où viennent les mots ». Cette esthétique évoque aussi la nature des images contemporaines, celles de téléphones portables par exemple, des « selfies », qui sont des images crues, extravagantes, narcissiques, qui rendent quasi claustrophobes…

Sarit Larry, qui incarne Nira, l’institutrice, vient d’une famille religieuse et d’un milieu n’ayant aucun lien avec le monde artistique. Elle était l’une des figures les plus actives d’un mouvement de jeunesse religieux. Après s’être confrontée idéologiquement au directeur de son école, elle a quitté la religion pour se consacrer au théâtre. Sarit est entrée dans une très bonne école de théâtre, et c’est justement au moment où un grand avenir se promettait à elle au théâtre national d’Israël, qu’elle a décidé de tout quitter et de se consacrer à des études de philosophie. J’ai pris contact avec elle – coïncidence étrange – via Facebook (« l’air du temps »), au moment où elle vivait à Boston, après avoir soutenu sa thèse de philosophie, pratiquement seize ans après avoir quitté la scène. Quelque chose dans son caractère, dans son engagement, dans sa radicalité et dans les choix très audacieux qui ont guidé sa vie, entrent en résonance avec le personnage de Nira. Nira est à la fois une institutrice et une fervente croyante en la poésie, à la fois une mère de famille et une Don Quichotte qui veut sauver le monde. Elle est la détermination même, une femme que personne ne peut arrêter, qui n’a aucune limite. Au fond, parmi tous les personnages a priori exceptionnels qu’elle croise sur son chemin – la nounou et actrice narcissique, le professeur de poésie, l’artiste blasé, le père arriviste non sans charme, l’oncle (ex) poète et même l’enfant prodigue – Nira est la figure la plus extrême, la plus totale et la plus sauvage. Elle incarne ce mélange typique des révolutionnaires, entre innocence et violence, conscience et inconscience. Elle a soif d’une justice absolue et est capable de tout pour l’obtenir.

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